LES CONDENSATEURS ÉLECTROLYTIQUES DU CS-80

Généralement mis en œuvre dans la conception d’un circuit électronique, le condensateur électrolytique, souvent appelé condensateur chimique, assure plusieurs tâches : Le lissage des tensions, le filtrage et l’élimination des composantes continues. C’est d’autant plus vrai dans le CS-80 puisque celui embarque pas moins de 527 condensateurs électrolytiques, du plus petit (0,33µF sur les cartes TSB) au plus imposant (5600µF sur la carte SVU).

Pourquoi les remplacer dans un CS-80 ?

Certains « excentriques » vous diront qu’il ne faut pas les remplacer (comme récemment, sur un forum anglophone où il a été affirmé que le technicien qui remplacera l’intégralité de vos condensateurs est un escroc – sic!).
Certaines personnes, un peu plus avisées, vous diront que tant que ça fonctionne, autant laisser comme ça. Quelque part, c’est un peu comme rouler avec un véhicule à moteur thermique sans jamais faire l’appoint ou la vidange d’huile. C’est risqué. Tant que ça roule, tout va bien. Mais une fois que le moteur a « serré », c’est irrémédiable.
Personnellement, en tant que technicien, je remplace tous les condensateurs électrolytiques présents sur les cartes du CS-80.

Sans entrer dans des considérations trop techniques, les condensateurs électrolytiques ont plusieurs caractéristiques définies : une tension de service maximale exprimée en Volts, une capacité exprimée en micro-Farads, une Résistance Équivalente en Série (ESR) exprimée en Ohms, une température maxi de fonctionnement exprimée en degrés Celsius et une durée de vie exprimée en heures. Je ne m’attarderai pas sur l ‘ESR qui entre peu en considération dans le remplacement du composant (même si il faut en tenir compte pour le choix et la fonction du condensateur remplacé), ni de la Capacité. On remplacera scrupuleusement le condensateur valeur pour valeur en micro-farad (µF).

Durée de vie

Retour entre 1976 et 1980, au moment de l’assemblage des CS-80. C’était donc, il y a, entre 43 et 47 ans. Presque l’antiquité à l’échelle de l’électronique. Nous nous baserons donc sur un âge moyen de 45 ans.
Dans le CS, presque tous les condensateurs chimiques sont donnés pour une durée de vie de 5000 heures à une température de fonctionnement maximum de 85°C. Parfois moins. Cette durée de vie est dépendante par deux critères principaux : la température ambiante (moins ça chauffe, plus ça dure) et la tension de service (une utilisation à plus de 80% de la tension de service dégradera prématurément les caractéristiques du condensateur).
Je pense que vous voyez où je veux en venir.
45 ans, c’est 410 625 heures !
En utilisant l’instrument 12 heures par semaine, cela représente, malgré tout, 28 080 heures de fonctionnement. C’est bien au delà des 5000 heures données par le constructeur.
Néanmoins, pas de panique ! Cela ne veut pas dire que le CS-80 devient une bombe à retardement. Loin de là. Pourtant, indéniablement, les condensateurs ont perdu leurs caractéristiques d’origine et ne font plus leur travail correctement. La panne n’est jamais loin si on ne fait rien…
« Dans ce cas, je vais économiser les condensateurs en n’utilisant mon CS-80 que 3 heures par semaines ! » me direz-vous.
Et bien non ! Même sans allumer le synthé, les condensateurs s’usent (même si c’est dans une moindre mesure).
En effet, le gel électrolytique contenu dans le condensateur est légèrement acide et dégrade lentement mais sûrement le diélectrique (isolant) à l’intérieur du boîtier. Dans les cas extrêmes, il réussit même à percer ce dernier et à se répandre sur le PCB où il est monté, provoquant la corrosion des pistes de cuivre.

Tension ondulatoire et tension de service

 

Les plus gros condensateurs électrolytiques du CS-80 (5600µF/40V) sont situés sur la carte d’alimentation (SVU). Ils servent à lisser la tension provenant du transformateur de puissance, tension préalablement redressée par les ponts de diodes situés juste avant ceux-ci, dans le circuit. C’est en partie grâce à eux que le +15V/-15V est présent dans le synthétiseur.

Ces deux gros condensateurs sont probablement les plus sollicités car, outre le fait qu’un courant de plusieurs ampères est présent à leurs bornes, ils se chargent et se déchargent 100 fois par seconde (la tension ondulatoire ou « ripple » en anglais).
De plus ils sont implantés près des imposants dissipateurs thermiques des gros transistors de régulation qui chauffent d’une manière assez conséquente (j’ai parfois relevé une température de près de 50°C sur ces dissipateurs), et cela, durant tout le temps où la machine reste allumée.
Pour couronner le tout, il faut bien garder à l’esprit que lorsqu’on met la machine sous tension, il se produit ce qu’on appelle le phénomène de courant d’appel, où tous les composants réclament leur tension d’alimentation en même temps. Pendant une fraction de seconde, l’alimentation doit fournir le double, voire le triple de son intensité en fonctionnement normal avant de se stabiliser. Je reviens ici très brièvement sur l’ESR du condensateur. Plus sa valeur ohmique sera faible, plus le courant demandé au démarrage sera important.
Une vraie vie de forçat pour nos deux pauvres condensateurs ! Leur durée de vie s’en trouve encore amoindrie…
Toujours pas d’accord pour les remplacer préventivement avant qu’ils ne rendent l’âme ?

Souvenez-vous, au début de l’article, je parlais de tension de service, qu’il vaut mieux ne pas égaler pour assurer la pérennité de fonctionnement. Idéalement, le circuit doit être conçu avec une tension d’alimentation ne dépassant pas les 70 ou 80% de la tension de service du condensateur. Par exemple, pour un condensateur « 15V », une tension d’alimentation inférieure à 12 Volts (15×0,8) convient. Pour une tension d’alimentation de 15 Volts, il vaut mieux utiliser un condensateur dont la tension de service est de 25 Volts, afin de rester dans une limite de fonctionnement confortable.
Or, sur la plupart des cartes du CS-80 recevant les tensions « analogiques » de +/-15 Volts, tous les condensateurs 100µF de « découplage » (85 au total) ont une tension de service de 16 Volts soit une utilisation à 93% de la valeur nominale ! On reste dans les spécifications, mais on flirte dangereusement avec la durée de vie, encore une fois.
De plus, Yamaha (comme ses concurrents de l’époque) a utilisé une gamme de condensateurs Matsushita qui se sont mis à se dégrader très (trop) rapidement (avec des fuites de gel électrolytique pour certains).
Il n’est pas rare du tout, lorsqu’on remplace ces condensateurs de s’apercevoir que la cathode (borne négative) est très oxydée et que le circuit intégré est noirci à cet endroit.
On peut être certain que ces composants ne sont pas en bonne santé avec de tels symptômes…

Dans le doute, ne t’abstiens pas !

Même si ils ne sont pas autant sollicités que les condensateurs de filtrage et de découplage, les autres condensateurs présents dans le CS-80 ont vieilli aussi et il y a fort à parier que leurs caractéristiques ont été amoindries par le temps et la durée de fonctionnement effective de la machine.
Comme les condensateurs non polarisés dans le circuit du signal audio des cartes M qui sont montés en filtre passe-bas et/ou en élimination de la composante continue. Ou encore ceux qui interviennent dans les circuits de détection de la vélocité, sur les cartes TSB ou dans les circuits d’aftertouch, sur la carte TWS.
Bref, ils sont nombreux, ces condensateurs. Avec autant de risques de défaillance.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les remplacer intégralement n’est certainement pas une perte de temps ni d’argent. Un remplacement complet des condensateurs n’intervient que tous les 12 ou 15 ans.
En utilisant une marque réputée (pour ma part, Nichicon et Wurth) et une gamme adaptée à chaque fonction (UFG, UES, UVK, ATG8, etc), on assure un fonctionnement stable, prolongé et sans faille des circuits.
Et contrairement à ce que j’ai également entendu dire dernièrement, un remplacement intégral des condensateurs ne rendra pas le CS-80 plus bruyant. Le rapport signal/bruit est de loin bien meilleur qu’avant l’opération si on intervient avec soin et intelligence.

Le CS-80 est un synthétiseur remarquable (probablement un des meilleurs jamais produit à mon humble avis) et le restera si on veille à son entretien régulier et avisé.